[par Emile Zelanni] Que reste-t-il de l’Appel du 18 juin ?

Depuis la Libération, l’Appel du 18 juin 1940 est commémoré chaque année par les Français libres et les associations de Résistance qui vont se recueillir devant les monuments aux morts et les mémoriaux érigés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à la mémoire des martyrs de la Résistance, au Mont Valérien à Suresnes et dans la plupart des villes françaises.

L’Appel du 18 juin 1940 désigne le discours prononcé par le général de Gaulle à la radio de Londres (BBC). 69 ans après, la passionnante histoire du célèbre Appel, demeure mal connue. L’Appel du 18 juin donne le ton d’un militaire qui fera la plus longue carrière politique de l’histoire de France. A la tête de l’Etat ou « en réserve de la République », Charles de Gaulle est devenu une légende, un symbole de l’héroïsme et de l’indépendance, de la résistance, et de l’honneur. Le mythe de Gaulle est né un 18 juin 1940.

Officier de carrière formé à Saint-Cyr, Charles de Gaulle avait participé à la Première guerre mondiale au cours de laquelle il avait été fait prisonnier. Dans les années 1930, il avait été un chaud partisan de l’arme blindée en France.
En mai 1940, la guerre se déroule comme il le craignait. Dans une débâcle que l’historien Marc Bloch qualifiait de « drôle de guerre », il lance une contre-offensive à la tête de ses chars à Montcornet. Le 21 mai, à Savigny-sur-Ardres où il installe son poste de commandement, il enregistre une allocution considérée aujourd’hui par plusieurs historiens comme « l’appel avant l’Appel », c’est-à-dire comme une préfiguration de l’Appel du 18 juin 1940.
Le 1er juin, il est nommé général de brigade à titre temporaire. Le 5 juin, il est appelé par le président du Conseil Paul Reynaud, au poste de sous-secrétaire d’État à la Défense nationale et à la Guerre.

Le 17 juin, au moment où Pétain, devenu chef du gouvernement en remplacement de Paul Reynaud démissionnaire, sollicite un armistice auprès des Allemands, de Gaulle refuse d’accepter la défaite et se rend à Londres, aux côtés de Churchill, déterminé à poursuivre le combat contre l’Allemagne nazie.

Dans ce premier appel très peu entendu, lancé le 18 juin en pleine débâcle des armées françaises, le général de Gaulle invite les officiers et les soldats français ainsi que les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d’armement qui se trouvent sur le territoire du Royaume-Uni à se mettre en rapport avec lui pour continuer le combat aux côtés des alliés britanniques…

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui. Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis. Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là. Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres. »

Cet appel n’a pas été filmé, etaucun enregistrement n’en a été conservé. Il faut attendre la diffusion du 22 juin 1940 pour enregistrer un disque, aujourd’hui conservé à la Phonothèque de l’Institut national de l’audiovisuel ainsi qu’aux Archives sonores de la BBC.

L’appel « À tous les Français » d’août 1940

Au cours du week-end du 3-4 août 1940, un autre appel a été placardé par voie d’affiche sur les murs de Londres. Signé par le général de Gaulle depuis son quartier général situé 4, Carlton Garden à Londres, il s’adressait « À tous les Français », militaires et civils, quelles que soient leur profession ou leur origine sociale. Le contexte n’était plus tout à fait le même que celui de juin 1940. Le gouvernement du maréchal Pétain qui avait sollicité et signé l’armistice consacrant la défaite de la France s’était installé à Vichy, avait mis à mort la Troisième République à laquelle il avait substitué un État français qui s’engageait sur la voie de la collaboration avec l’Allemagne nazie.

À Londres, le général de Gaulle a jeté les bases de la France libre et appelle à le rejoindre tous ceux qui refusent la défaite, veulent résister et continuer le combat.

Une affiche de mobilisation rappelle les affiches officielles de mobilisation générale arborant deux drapeaux français croisés et un liseré tricolore. Le but : renouveler et amplifier les précédents appels à la résistance lancés depuis le 18 juin 1940 à la BBC, appels qui ont été peu entendus dans l’immédiat.
Il s’agit aussi d’affirmer le caractère officiel de la France libre, conçue dès le départ comme le seul véritable gouvernement légitime qui aspire à se faire reconnaître par le gouvernement britannique, face au régime de Vichy constitué par « des gouvernants de rencontre » et considéré par de Gaulle comme un gouvernement qui s’est déshonoré en capitulant et qui a livré la France « à la servitude ».

« La France a perdu une bataille mais elle n’a pas perdu la guerre », de Gaulle rappelle aussi aux Français que la guerre sera mondiale, il fait allusion aux ressources et aux troupes de l’Empire britannique qui n’ont pas encore été totalement mobilisées, mais aussi à celles de l’Empire colonial français dont il espère le ralliement. Il compte aussi sur l’engagement aux côtés des Alliés de l’Union soviétique et des États-Unis, mais il doit attendre la rupture du pacte germano soviétique et l’attaque de Pearl Harbour en 1941.

Cet appel constitue l’acte fondateur de la Résistance française extérieure et intérieure, dont les forces se sont progressivement affermies et que Charles de Gaulle est parvenu à unifier, avec l’aide de Jean Moulin. L’engagement dans la Résistance suscité par ces appels reste le fait d’une minorité, mais il permet d’associer la France à la victoire alliée de 1945.

Résistants ou gaullistes, les Français qui répondirent à l’Appel du général de Gaulle ignoraient encore après la guerre qu’il avait été lancé un 18 juin… Désormais, chaque année à cette date, ils ravivent la flamme et déposent des gerbes en mémoire du « père de la France libre ».

Une cérémonie commémorative se tiendra aujourd’hui à 18h30 aux monuments aux morts Place Charles de Gaulle au Beausset.

Reçu par email à contact@lebeausset-info.fr d’Emile Zelanni

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