Comme nous vous l’indiquions dans un article précédent (voir ici), Ferdinand Bernhard, le maire de Sanary-sur-Mer et Président de la Communauté d’Agglomération Sud Sainte Baume, est jugé par le tribunal correctionnel de Marseille depuis le 8 juin 2020, pour six délits : favoritisme, détournement de fonds publics, prise illégale d’intérêt.
C’est parce qu’il a « mélangé ses intérêts avec ceux de la commune », que c‘est « un serviteur qui s’est servi », que, mercredi 10 juin 2020 à Marseille, le procureur a requis la condamnation de Ferdinand Bernhard, 68 ans et maire de la commune de Sanary-sur-Mer depuis trente et un ans.
« Comment est-ce qu’on réprime ce type de faits là ? Les voleurs en comparution immédiate ont commis des faits graves, mais à mon sens, ces infractions qui violent la probité sont encore plus graves. Ce sont des fonctions qui ont été complètement dévoyées, et sans état d’âme, monsieur Bernhard s’est présenté comme un ignorant, un incompétent et un naïf. C’est un professionnel de la politique, et il connaît le tribunal correctionnel », et c’est pour ces raisons qu’il a requis trois ans d’emprisonnement avec sursis, 100 000 € d’amende, la confiscation de la parcelle faisant l’objet d’une infraction et la privation de ses droits civiques et politiques pendant cinq ans.
Contre les deux coprévenus, Sybille B… et Jean-Jacques C… : six mois avec sursis, 50 000 € et 30 000 € d’amende, et deux ans de privation des droits civiques et politiques ont été requis, après deux heures et demie de réquisitoire.
Tous les avocats ont plaidé la relaxe, et deux d’entre eux ont demandé la non-inscription de la condamnation, si elle devait être prononcée, au bulletin n° 2 (le procureur s’y est opposé). « Je ne la demande pas, a dit Me Julien Pinelli, avocat de Ferdinand Bernhard, moi, je plaide pour un innocent. » Il est revenu au cours de sa plaidoirie sur tous les faits reprochés à son client, après avoir pointé les « volontés hostiles » d’opposants politiques, parties civiles dans l’affaire, qui marquent le point de départ de l’affaire.
Sur le véhicule de fonction indu (détournement de fonds publics) : « Maire, où que vous soyez, on vous appelle, vous venez. La voiture est garée devant chez lui, elle va surtout servir à le ramener à la mairie », dit-il, pour convaincre le tribunal que, malgré l’utilisation pour des trajets privés, cette voiture était à chaque moment susceptible de le ramener au travail.
La promotion de sa maîtresse au poste de directrice générale des services (prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics) : « On n’a pas été en mesure de prouver l’avantage que Mme B… aurait retiré de sa relation par rapport à une autre personne, placée dans la même situation. C’est pas Pénélope et François que vous avez devant vous ! »
Concernant l’attribution du marché pour la rédaction du bulletin municipal (détournement de fonds publics), l’avocat considère les faits prescrits (ils débutent en 2007), car l’information avait été portée à la connaissance du public par une inscription au registre de la mairie et cela avait été « porté à la connaissance de l’autorité préfectorale ». La publicité étant ainsi assurée, il n’y avait pas lieu de poursuivre.
L’attribution du marché en vue de la création d’un CLSPD (détournement de fonds publics) : « Ce qui est évident, c’est que nous sommes partis d’un mobile : vous vouliez un troisième collaborateur auquel vous n’aviez pas droit et vous êtes passé par la voie détournée du marché public. Or non seulement vous pouviez, mais vous pouviez aussi recruter un chargé de mission. » Me Pinelli considère également que M. C… était parfaitement libre de travailler autre part, et qu’il n’était pas possible de déduire du marché public qu’il existait un lien de subordination, dont on aurait pu déduire un contrat de travail masqué.
Enfin, l’affaire du permis de construire et de la servitude (prise illégale d’intérêts) : « C’était le point de départ, l’origine qui devait révéler la nature de fraudeur de mon client. » Il rappelle qu’une promesse de vente vaut vente quand il y a un accord sur la chose et sur le prix, ce qui était le cas, et permettait à son client de construire alors même qu’il n’avait pas encore signé la vente ni obtenu de servitude de passage. Une formule, dans l’acte de vente, écrite par M. Bernhard (de la servitude de passage « j’en ferai mon affaire personnelle ») a laissé penser aux juges qu’il pourrait user de sa qualité d’élu pour servir ses intérêts personnels. « Comment peut-on imaginer là qu’il y ait là autre chose qu’une formule de pur style ? C’est l’ignorance portée en stratégie, la démonstration de la malhonnêteté intellectuelle, et c’est ça qui irrigue la suite du dossier. »
« Vous auriez devant vous un être nuisible qu’il convient d’écarter ? Ferdinand Bernhard ne peut pas se défendre contre des apparences, et je vous demande de le relaxer au nom de la réalité, au nom de ce dossier. »
Le jugement sera rendu le 7 septembre 2020.
Source: https://www.dalloz-actualite.fr/